Blog de la Super Agence

Pourquoi sommes-nous si mauvais en recrutement ?

Rédigé par Lucie Chesné | 17 nov. 2022

(Texte tiré d’une conférence TEDx Talks animée par Mads Faurholt-Jorgensen)

" Je souhaiterais vous parler des choses les plus importantes à savoir pour tout dirigeant et PDG qui souhaite recruter. [...] 

Avant cela, je vais vous parler d'un homme appelé Benjamin Zander.

Benjamin Zander est le chef d'orchestre de l'Orchestre philharmonique de Boston (...] l'un des meilleurs orchestres du monde.

Un jour, Benjamin se tient sur la scène, sur son podium. Il dirige son orchestre d'une centaine de personnes et il se rend compte à ce moment-là qu'il est [...] la seule personne qui ne produit aucun son.

Cela signifie-t-il que vous ne pouvez pas entendre Benjamin ? Non, bien sûr que vous pouvez "l'entendre".

Vous pouvez l'entendre à travers les autres personnes, vous pouvez l'entendre à travers la façon dont il a sélectionné les personnes qui font partie de son orchestre.

Benjamin Zander donne aussi des conférences dans les domaines de créativité et de leadership

Ainsi, le leadership, de manière très simpliste, se résume à deux choses : il s'agit de

- Constituer la bonne équipe pour votre entreprise, votre organisation,

- Aider ces personnes à obtenir les résultats qui leur permettront de réussir dans ce rôle.

[...] Notre travail et notre rôle, en tant qu'entrepreneur, en tant que chef d'équipe, consistent donc à trouver les bonnes personnes.

Si je trouve les bonnes personnes et que je recrute les bonnes personnes, mon travail est simple. Si je ne recrute pas les bonnes personnes, ma vie peut être très compliquée.

[...] Cependant, le fait est que nous ne sommes pas très doués pour recruter les personnes et il y a de bonnes raisons à cela.

Je vais en citer une seule : il n'y a pas de cours à l'université [...] ! Nous partons simplement du principe que les personnes vont être excellentes pour recruter d’autres personnes.

Nous nous contentons de dire : "Félicitations, tu es maintenant le directeur de cette Business Unit, de cette partie de l'entreprise, va constituer une équipe".

Une incompétence généralisée qui coûte cher

Lorsque nous nous trompons, nous en connaissons le coût. Le ministère américain du travail a déclaré que le coût d'une mauvaise embauche, quel que soit le poste, est de 30 % du salaire brut annuel.

McKinsey avance de son côté que la différence entre un employé moyen et un employé très performant dans un poste représente 67 % de la productivité et des bénéfices nets.

Mais, il n'y a pas que les chiffres qui sont concernés, nous savons qu’il y a d’autres impacts : il y a un impact sur la culture. Lorsque vous embauchez une mauvaise personne dans une équipe, la culture est impactée.

Cela a également un impact sur votre qualité de vie au travail (QVT). Si vous vous dites "j'ai pris la mauvaise personne", vous allez stresser au travail tous les jours parce que vous devez traiter avec une personne avec laquelle vous ne voulez pas véritablement travailler.

Cela rend aussi la vie de celle ou celui que vous avez recruté assez difficile.

Si vous choisissez la mauvaise personne pour un travail, vous ne vous faites pas seulement du tort à vous-même, vous leur faites aussi du tort à eux. Cela limite votre croissance ; cela limite un tas de choses différentes pour vous.

Finalement, les personnes passent 10% de leur temps à recruter, 90% de leur temps à rattraper les erreurs de recrutement !

[...] Je dois vous dire que nous sommes nuls dans le recrutement.

Nous nous améliorons, mais nous sommes terribles, parce que personne n’apprend à recruter, il faut le découvrir par soi-même.

[...] Un jour, je suis allé voir un client et je lui ai dit :

"Écoutez, vous venez me poser des questions sur le marketing, vous venez me poser des questions sur les finances, vous venez me poser des questions sur les ventes, mais jamais une seule fois vous ne m'avez posé une question sur le recrutement, pourquoi ?".

Il était embarrassé, car il n'avait pas vraiment la réponse. [...] 

Nous ne sommes pas les seuls à être mauvais en recrutement, le milliardaire britannique, John Caldwell, a dit un jour que s’il avait de la chance, il ne se trompait que dans 70% des recrutements.

Pourquoi sommes-nous si mauvais en recrutement ?

Nous ne comprenons probablement que 20% de ce que nous devons comprendre, et nous n'en exploitons probablement que 10%.

Pourquoi ? À cause de choses comme l'arrogance, à cause de nos biais cognitifs, parce que nous pensons toujours que nous pouvons tout faire.

Voici quelques-uns de ces biais tels qu'ils se manifestent dans le recrutement.

1 - Nous essayons de nous embaucher nous-mêmes.

Pourquoi pas ? Après tout, nous sommes excellents, nous sommes le meilleur employé qui soit.

« Je suis analytique, il ou elle doit être analytique ; je suis empathique, la personne doit être empathique ; je suis compétitif, tout le monde devrait être compétitif ». Donc, nous nous cherchons nous-mêmes dans le candidat face à nous.

2 - Nous essayons d'embaucher des personnes qui peuvent tout faire.

J'ai parlé à l'un de nos PDG l'autre jour. Il essayait d'embaucher un CMO venant d'une société de relations publiques, qui est "objectivement" bon dans les ventes, bon dans l'établissement de relations et ayant un bon niveau en stratégie.

Nous essayons donc de trouver une personne capable de faire tout le travail de l'entreprise, ce qui est illusoire.

En réalité, recruter les bonnes personnes, c'est un peu comme une équipe de football : on ne veut pas d'une personne qui soit bonne dans tous les domaines, on veut le meilleur attaquant, le meilleur gardien de but et le meilleur défenseur.

3 - Nous aimons aussi engager des personnes pires que nous.

Il y a un bon vieux dicton qui dit « A engage B, B engage C, C engage D et ainsi de suite ».

J'essaie tout le temps de dire à nos dirigeants :

« Je me fiche que vous soyez la personne la plus intelligente de la pièce, parce qu'en fin de compte, ce qui me dira que vous êtes la personne la plus intelligente, c'est que vous engagiez des personnes qui sont plus intelligentes et meilleures que vous ».

En tant que PDG ou dirigeant, vous n'avez pas besoin d'être la personne la plus intelligente, vous n'avez pas besoin d'en savoir plus sur un sujet que les personnes qui travaillent pour vous, tant que vous pouvez trouver et recruter les bonnes personnes.

4 - Nous prenons également des décisions trop rapides.

Nous allons à un entretien et, après quelques minutes, parfois quelques secondes, nous avons décidé : « J'aime ce candidat ou je n'aime pas ce candidat », et les 45-50 minutes suivantes, nous finissons par dépenser tout notre temps et toute notre énergie juste pour confirmer que nous avons raison (biais de confirmation).

C'est un peu l'erreur de Facebook aujourd'hui, où nous aimons chercher des histoires qui confirment les préjugés que nous avons déjà.

5 - Nous embauchons pour des postes individuels, pas pour des équipes.

Reprenons l'image de l'équipe de foot.
Si nous essayons de construire une équipe, nous n'avons pas besoin de 15 attaquants, nous n'avons pas besoin de 15 gardiens, nous avons besoin de réunir des personnes ensemble dans une équipe.

Peut-on devenir un peu moins mauvais en recrutement ?

Parce que nous savons que nous avons ces préjugés, et parce que nous savons que nous commettons ces erreurs tout le temps, nous avons voulu rendre les choses beaucoup plus structurées.

Pour cela, nous avons construit un algorithme pour prédire si une personne va convenir au rôle, c'est-à-dire que nous avons construit une formule mathématique et un algorithme qui tourne sur un ordinateur et qui va prédire, si vous postulez pour un emploi chez nous, si vous allez réussir, ou non.

 

Un algorithme pour recruter ? Quelle drôle d'idée !

Avant que vous ne pensiez...  « Wow, c'est un idiot, comment peut-il traiter les personnes de cette façon, comment peut-il mettre les personnes dans des algorithmes ? », laissez-moi vous dire ceci : C'est déjà ce que nous faisons dans nos têtes ! 

Sans nous en rendre compte, nous essayons de calculer si une personne convient ou non à ce rôle particulier.

C'est vraiment ce qui se passe lorsque nous sommes assis en face de quelqu'un, que nous nous interrogeons, que nous lui posons des questions : nous essayons de savoir si cette personne va réussir dans ce travail.

En fait, si vous voulez ce que nous essayons de comprendre c’est si cette personne va être en mesure de créer le résultat que nous voulons que la personne produise.

Donc, nous avons construit un algorithme, nous avons construit une carte de pointage de tous les différents éléments qui sont importants, puis nous calculons un pourcentage de chance que cette personne réussisse dans ce rôle particulier.

L'algorithme n'est pas encore parfait, c'est un outil de soutien pour l'instant, mais ce que l'algorithme nous oblige à faire, c'est qu'il nous oblige à être conscients de ce qui se passe dans notre tête.

En d'autres termes, il nous force à réfléchir aux décisions que nous prenons, aux compromis que nous faisons, et en mettant sur une feuille de papier, nous avons déjà modifié de manière significative la façon dont nous faisons les choses.

L'algorithme est dirigé par des vraies personnes, donc, il y a toujours un tas de biais et un tas de choses que nous faisons mal, parce que toutes les entrées viennent de nous, que ce soit de nous directement, des outils que nous utilisons, ça vient des personnes en fin de compte.

Un algorithme est avant tout un outil qui permet d'assister de vraies personnes

L'algorithme pour détecter les talents silencieux ?

L'une des raisons pour lesquelles nous aimons cette approche basée sur l'algorithmie, c'est qu'en plus de recruter les bonnes personnes, nous avons une autre chose qui nous passionne, et c'est de donner à chaque candidat une chance équitable d'obtenir un emploi.

[...]  Le problème est qu'aujourd'hui, tout le monde est contrôlé sur son CV, si vous n'avez pas le bon CV, vous êtes sur la touche.

Cela limite les candidats que nous sommes capables de trouver et d'attirer, cela signifie que nous ne pouvons pas trouver le diamant brut.

En ayant à notre disposition des outils qui nous permettent de regarder au-delà des CV, au-delà de l'évidence, nous sommes capables de trouver ce que nous appelons des talents silencieux.

Laissez-moi vous expliquer ce qu'est un talent silencieux.

Tout d'abord, il y a le talent criant : un talent criant, pour vous donner un exemple, c'est quelqu'un qui a fréquenté une université particulière, qui a eu des notes exceptionnelles, qui est entré dans la grande banque d'investissement de la ville, qui a été promu plus rapidement que n'importe qui d'autre.

Tout le monde peut repérer un talent criant, car il suffit de regarder son CV pour savoir à quoi il ressemble.

Mais, nous aimons trouver les talents silencieux : les talents silencieux sont tout aussi bons que les talents bruyants, mais ce n'est pas aussi facile à voir.

Le fait de disposer d'un algorithme et d'outils nous permet d'ouvrir notre flux de candidatures à tout le monde, cela permet à n'importe qui, avec n'importe quel CV, sans diplôme universitaire, de venir rejoindre une entreprise.

Nous pouvons laisser penser que nous avons certaines barrières à l'extérieur, mais en fait, nous examinons chaque candidat qui se présente de manière très approfondie grâce aux outils que nous avons à notre disposition.

Il est important d'utiliser les bons outils pour trouver des talents silencieux.

Comprendre le monde du recrutement comme un humain

Lorsque vous envisagez d'embaucher quelqu'un, vous essayez de répondre à trois questions : [...]

  • La personne sera-t-elle capable d’effectuer le travail ?
    Est-ce qu'elle réussira ? Obtiendra-t-elle les résultats que vous attendez d'elle ?
  • S'adaptera-t-elle à votre culture ?
    Sera-t-elle capable de s'intégrer à la culture que vous avez créée ? C'est essentiel : si vous ne correspondez pas à notre culture, peu importe vos compétences, vous ne ferez pas partie de notre entreprise. À l’inverse, si vous correspondez à notre culture et que vous êtes capable de produire les résultats escomptés, tout dépend de vous.
  • Est-ce que nous proposons un bon équilibre vie pro / vie perso ?
    Il est important que votre proposition corresponde également à l'attente des candidats : ferez-vous partie de leur vie pendant une longue ou une courte période ? Vous adaptez-vous à leur situation familiale ? Correspondez-vous à ce qu'ils veulent et ce qu'ils souhaitent pour leur carrière ?

Si vous souhaitez mener un processus d'entretien de manière très structurée, nous constatons qu'il y a trois choses pour lesquelles vous devez être bon :

1 -  Etre capable d'identifier les vrais besoins.

C'est-à-dire de déterminer ce que le candidat doit savoir faire dans ce poste particulier pour réussir. C'est dans l'identification des besoins que la plupart des personnes se trompent.

Si je devais dire, à partir de l'ensemble de cet exposé, quelle est la première chose que vous devriez améliorer, c'est : identifier les besoins pour le poste particulier et faire attention, comme je l'ai dit précédemment, à ne pas dire que la personne doit être bonne dans tous les domaines.

2 - Pouvoir vous poser les bonnes questions et disposer des bons outils pour pouvoir déterminer les données correspondant à ces besoins.

La personne est-elle capable de répondre, comment répond-elle aux questions, la personne répond-elle aux besoins que vous avez pour le rôle ?

Un besoin pourrait être : vous voulez quelqu'un qui est bon pour construire des relations, par exemple, alors la question devient : quelles questions, quels outils puis-je utiliser pour le déterminer ?

3 - Avoir une bonne interprétation de l'information.

[...] Imaginons que nous demandions à une équipe de Formule 1 de nous parler de leur bolide.

Si vous demandez à l'équipe de Formule 1 des informations sur la voiture, ils diraient :

- « Une voiture est constituée d’un châssis, de roues, de suspension et dans les roues, il y a différentes sous-catégories de freins que vous pouvez avoir » 
- « Comment choisissez-vous votre frein ? »
- « Eh bien, cela dépend de l’état, cela dépend de la route, cela dépend de la façon dont vous voulez conduire et comment votre voiture est configurée ».

L’entretien est similaire, lorsque vous cherchez quelqu’un, vous dites « Je veux ce candidat qui a de l’empathie », mais vous devez comprendre les compromis que vous faites. Quelles sont les qualités et les défauts de l'empathie ?

Nous aimons les personnes qui ont de l'empathie, mais le problème peut aussi être qu'il est parfois difficile de prendre des décisions pour eux, parce qu’ils comprennent pourquoi les personnes rencontrent des difficultés et ils comprennent leur situation, donc vous devez comprendre le compromis entre ces différentes choses.

Tout est donc dans le fameux "Cela dépend" !

Pour bien recruter, visez le cœur !

En ce qui nous concerne, nous avons découvert, en discutant avec des sociétés de recrutement de cadres, des sociétés d'analyse des ressources humaines et des psychologues, qu'une personne, à un niveau de qualification très élevé, présente trois éléments différents :

  • Un cerveau, un QI, c'est-à-dire sa capacité à apprendre et à comprendre des informations, à exploiter ces informations, que l'on pourrait regrouper sous l'appellation "hard skills"
  • Un cœur, c'est-à-dire sa personnalité et ses talents, que l'on pourrait regrouper sous l'appellation "soft skills" mais aussi "valeurs"
  • Une boîte à outils, c'est-à-dire ses expériences passées, c'est ce que vous voyez généralement dans un CV, c'est-à-dire son éducation, les choses qu'il a apprises, etc. que l'on pourrait regrouper sous l'appellation "Expérience"

La plupart des entreprises et la plupart des personnes dans leur recrutement, ils commencent par les apprentissages liés à l'expérience professionnelle.

Nous préférons commençons par le cœur !

Avant d'identifier que nous voulons comme profil expérimenté, nous disons qui nous recherchons en tant que personne.

Parce que nous croyons [...] qu'il faut engager la meilleure personne et l'aider à obtenir les meilleurs outils, parce que nous pensons qu'elle peut réussir dans ce domaine.



La meilleure façon de recruter, c'est de viser le cœur !

La deuxième chose que nous examinons est la suivante : ont-ils le quotient intellectuel (QI) pour comprendre et exploiter l'information ?

Et puis, la troisième chose est que nous regardons leur CV.

C'est vrai pour probablement 95% des postes que nous recherchons. Bien sûr, si vous voulez que quelqu'un construise un toit, il faut qu'il ait les bonnes compétences, il ne suffit pas d'être motivé.

Et puis nous essayons de trouver des moyens de tester cela. Je dois dire qu'il y a beaucoup de façons de tester les gens.

La plupart des personnes le font par le biais de questions d'entretien, vous pouvez leur donner des cas, vous pouvez leur demander de faire des présentations, vous pouvez utiliser les outils d'évaluation qui existent.

Mais ce que vous essayez vraiment de découvrir, c'est : la personne peut-elle effectuer le travail ?

Donc, déterminez comment vous allez tester les choses qui sont importantes pour vous.

Et puis, la dernière chose que vous devez faire, c'est de revenir en arrière et de regarder les informations. Quand vous embauchez quelqu'un, écrivez vos notes, gardez-les et puis regardez-les trois à six mois plus tard et dites : "Avais-je raison ou avais-je tort ?"

La plupart des personnes se contentent de dire "J'ai mal embauché, ok laissez-moi réessayer", très peu de personnes vont dire "Qu'est-ce que j'ai mal interprété, est-ce que j'ai posé les mauvaises questions, est-ce que j'ai utilisé les mauvais outils pour obtenir cette information ?".

Donc, gardez les notes, et que vous réussissiez ou non à embaucher, revenez en arrière et jetez-y un coup d'œil.

Et si vous faites toutes ces choses correctement, alors vous allez être de mieux en mieux pour améliorer votre capacité à recruter les bonnes personnes, et finalement, vous pouvez arriver à la partie où vous passerez 10% de votre temps à recruter et 90% de votre temps à construire de nouvelles entreprises ou ce que vous aimez faire !