Au printemps 2020, on estime qu'environ 557 millions de personnes dans le monde ont travaillé depuis chez elles, soit près d'un travailleur sur cinq.
C'est énorme !
En un an, entre 2019 et 2020, la part totale de télétravailleurs est passée de 22% à 47% en France, de 22% à 42% aux États-Unis et de 6% à 21% en Italie.
Bien sûr, après chaque vague épidémique, les salariés retournent au bureau.
En juin 2021, 18% des salariés français travaillaient depuis chez eux, souvent partiellement.
Après le COVID, de nombreux employeurs prévoyaient un quart du temps en télétravail, soit 25% des jours de travail.
Si le télétravail se généralise, ses conséquences enthousiasment et inquiètent à la fois.
Le télétravail est vraiment une bonne idée ? Avant tout, est-il efficace pour l'employeur et le collaborateur ?
Bien avant le COVID, des chercheurs de l'université de Stanford se sont penchés sur la question.
En 2011, pendant 9 mois, ils ont mené une expérience sur un centre d'appel à Shanghai, en Chine.
La moitié des salariés, soit 131 personnes, avaient été envoyés en télétravail 4 jours par semaine, l'autre moitié était restée dans les bureaux.
Leur temps de travail et le nombre d'appels effectués étaient enregistrés.
Le résultat de cette enquête montre que la productivité observée chez les télétravailleurs avait augmenté de 13%.
Ils ont, à la fois, passé plus de temps à travailler et ils ont passé plus d'appels à la minute que leurs collègues au bureau.
Selon l'étude, tout cela s'explique par plusieurs facteurs :
La productivité au travail n'est pas toujours aussi facile à quantifier que dans ce cas précis, mais lorsque l'on interroge les télétravailleurs directement, la plupart se trouvent, eux aussi, plus concentrés sur leur travail.
Le premier facteur cité est encore la diminution du temps passé dans les transports.
Vient ensuite, un environnement plus calme, une gestion plus pratique des affaires personnelles ou encore moins de réunions, si bien que la majorité des salariés en télétravail souhaitent le rester.
En France, 98% des télétravailleurs disent vouloir continuer à télétravailler après la pandémie.
Pour la majorité à raison de 2 ou 3 jours par semaine.
Au centre d'appel de Shanghai, les télétravailleurs ont témoigné d'une plus grande satisfaction au travail.
Au total le nombre de départs de salariés a chuté de plus de 50%.
Conclusion : l'entreprise a augmenté sa productivité multifactorielle de 20% à 30% et a économisé 2000$ par an par employé en télétravail.
Environ deux tiers de cette augmentation sont imputés à la réduction de la taille des bureaux.
Le reste à la meilleure productivité des employés et à la réduction du nombre de départs.
Le télétravail propose donc bien des avantages autant pour la productivité des employés que pour la rentabilité de l’entreprise, mais pas seulement !
Le télétravail est aussi un allié de taille en ce qui concerne la transition écologique.
En effet, mécaniquement, travailler chez soi permet de diminuer ses trajets domicile/bureau.
L'agence française de la transition écologique, l'ADEME, estime que prendre un jour de télétravail par semaine fait économiser 271 kg équivalent CO2 par an, soit environ 1400 km en voiture.
Toutefois, il ne faut pas oublier d’enlever les effets négatifs ou nuls du télétravail.
Effectivement, une partie des trajets est en fait maintenue, de nouveaux déplacements émergent, les flux vidéo augmentent, mais aussi la consommation énergétique du domicile.
Au total, l’ADEME estime qu'un jour de télétravail hebdomadaire permet plutôt d'économiser jusqu'à 187 kg équivalent CO² par an, soit environ 950 km en voiture.
En résumé, le télétravail a un meilleur impact environnemental, entraîne plus de productivité et plus de satisfaction au travail.
Pour autant, le télétravail, que l'on nomme aussi Home Office, rend-il plus heureux ?
En France, pendant le premier confinement, 80% des cadres et professions intellectuelles supérieures ont pu télétravailler contre 35% des employés et 7% des ouvriers.
Même pour ceux qui ont la chance d'en bénéficier, le télétravail peut engendrer des inégalités professionnelles insoupçonnées.
Dans le centre d'appel chinois, les employés en télétravail ont reçu 50% de promotions en moins que leurs collègues en présentiel.
La raison principale invoquée est qu’en télétravail, les performances des salariés sont moins remarquées par leur supérieur.
Le télétravail conforte aussi certaines inégalités de genre.
Lorsque des couples ont des enfants en bas âge, 32% des femmes déclarent vouloir télétravailler 5 jours par semaine, contre 23% des hommes.
Au-delà des inégalités, le télétravail peut aussi créer de la souffrance.
Dans un sondage réalisé en France, en 2021, pendant le COVID, plus d'un quart des répondants disent se sentir plus anxieux ou plus déprimé en télétravail qu’au bureau.
Quasiment un télétravailleur sur deux déclare que la charge et le temps de travail ont augmenté.
Dans une autre enquête réalisée en mai 2021, en France, on estime que 10% des répondants sont en burn-out, un état d'épuisement physique, émotionnel et mental lié à une situation professionnelle.
Ramené au nombre total de salariés dans le pays, cela représente environ 2 millions de salariés français (Pour rappel : en 2020, à la même période, ils étaient deux fois moins).
D’une manière générale, le télétravail est donc efficace, mais il apporte un changement important dans nos pratiques de travail, davantage encore lorsqu'on est manager.
Pour limiter ses effets négatifs, il est nécessaire de l'encadrer.
Par exemple, pour éviter les disparités évoquées, l'économiste américain Nicholas Bloom suggère que dans chaque équipe les employés aient les mêmes jours de télétravail et de présentiel.
C'est une proposition qui permettrait aussi de lutter contre l'anxiété et la marginalisation des télétravailleurs par rapport à leurs collègues au bureau.
[Texte tiré de cette vidéo produite par Le Monde le 17/10/2021]