Dans une tribune publiée sur Pulse le 21 février 2017, Alain Roumilhac, président de ManpowerGroup France, nous livre une analyse pertinente sur les bouleversements du monde des Ressources Humaines.
Il souligne notamment que les acteurs à l'origine de la disruption de ce secteur ne sont pas originellement des spécialistes, mais plutôt des innovateurs désireux d'apporter un œil neuf et de nouvelles pratiques aux RH.
En tant qu'agence Marketing ayant développé une offre spécialement dédiée au recrutement, l'Inbound Recruiting, nous ne pouvons qu'applaudir à la lecture de cette réflexion parfaitement argumentée, dont voici le texte intégral.
"Qui impulse la disruption d’un secteur ? D’où vient-elle ? De l’intérieur ou, au contraire… d’ailleurs ? C’est une réflexion qui me tient particulièrement à cœur. L’analyse des startuppers des Ressources Humaines, qui ont récemment fait souffler un vent de révolution dans le domaine, apporte à une réponse à cette question. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Ce sont… les innovateurs.
Le monde du travail change et pour le meilleur : des centaines de startups françaises investissent aujourd’hui le champ des RH.
En septembre 2016, elles ont levé 8,5 millions d’euros, parmi elles : Klaxoon, Wizbii, Staffme…
Face aux défis qui suscitent souvent plus de craintes que de raisons, ces nouveaux acteurs innovent. Souvent poussés par le désir de changer l’ordre des choses, ils proposent des solutions pour lever les blocages. Aujourd’hui, c’est toute une génération d’innovateurs qui, par leur esprit créatif, bousculent la grande machine de l’emploi – et semblent bien décider à la mettre à jour !
Mais si l’on parle beaucoup de ce qu’ils font, on parle moins… de qui ils sont ! C’est une question que je me pose depuis longtemps, et qui m’a paru particulièrement d’actualité le 2 février, alors que j’avais la chance de participer au Salon des Entrepreneurs - et que nous engageons aujourd'hui les préparatifs de VivaTechnology, le grand salon consacré aux startups qui aura lieu au début de l'été.
Qui sont (vraiment) ces innovateurs qui cherchent à faire bouger les lignes du monde des RH ? Et qu’est-ce que cela nous apprend sur la manière de collaborer avec eux ? Depuis un an, ManpowerGroup a travaillé avec des centaines de startups du secteur RH, à travers sa cellule de veille Eclaireur Office. Grâce à cela, j’ai pu me livrer à une petite analyse de leurs profils afin de confronter l’intuition… aux chiffres.
Et vous ne serez pas surpris de l’apprendre : le profil des startupeurs RH détonne du monde traditionnel des ressources humaines. La disruption RH… vient d’ailleurs !
Ecole de commerce, université, école d’ingénieur… je l’observe tous les jours : les entrepreneurs qui disruptent les RH ne viennent pas des RH !
Dans le programme Eclaireur Office, parmi la centaine de startups avec lesquelles nous avons collaboré, près des deux tiers n’avaient ni formation, ni expérience dans le domaine des RH. Nous avons, par exemple, tissé des liens étroits avec Welcome to The Jungle, Work4, CornerJob ou Goshaba, autant de profils d’entrepreneurs qui sont arrivés sur les sujets RH avec un œil neuf.
Ce que l’on constate, c’est que ce phénomène n’est pas propre à ce secteur, bien au contraire ! Sandra Rey par exemple, créatrice de la startup d’énergies bioluminescentes Glowee, expliquait au Salon des Entrepreneurs qu’elle n’était pas du tout issue du monde scientifique, mais de celui du design.
Autre point remarquable : un tiers de ces startuppers ont moins de 30 ans. Cela confirme ce que nous relevons sur le marché du travail depuis quelques années déjà : une volonté croissante d’entreprendre parmi les jeunes générations. Ce désir intervient de plus en plus tôt : parfois, lancer sa startup constitue pour eux une première expérience professionnelle. Un succès qui ne se dément pas car, selon une récente étude Opinion Way, 62% des 18-24 ans ont envie de créer leur entreprise.
Mais qu’est-ce que nous apprend ce coup d’œil sur la Génération Startup RH ?
La première chose à retenir est un principe que nous pouvons tous appliquer quand il s’agit d’envisager un processus d’innovation et que l’on pourrait illustrer par cette phrase de Paul Valéry : « Que de choses il faut ignorer pour agir ! »
Et ce n’est pas négatif… bien au contraire ! Se mettre en posture d’inventer, ce n’est pas seulement apprendre, c’est aussi… désapprendre.
Tout faire pour se mettre en position de poser un regard neuf sur les choses. Faire l’effort de ne pas se cramponner à certains savoirs acquis pour faire la place à de nouvelles compétences. Accepter de se débarrasser de certains réflexes et se mettre en situation de créativité : s’ouvrir à la serendipité, c’est-à-dire à l’idée de découvrir par hasard des résultats… que l’on ne cherchait pas au départ.
Après tout, quand Christophe Colomb a découvert l’Amérique… il était en quête d’une nouvelle route vers l’Asie !
Qu’est-ce cela révèle des relations entre les entrepreneurs et les experts ?
La complémentarité, bien sûr. Si les innovateurs apportent leur désir de changer les choses et jettent un regard neuf sur un secteur et ses pratiques, ils sont souvent très en demande d’un regard expert, à la fois sur les Ressources Humaines, mais aussi sur les manières de passer à l’échelle. Le résultat ? La possibilité d’une collaboration très fructueuse en associant les savoir-faire.
Il leur faut donc activement identifier et soutenir les startups les plus innovantes, et leur proposer, non pas un accompagnement, mais un vrai rapport d’égal à égal. Incubateur, open innovation, rachat, collaboration… les initiatives se multiplient. Une formidable occasion de libérer les énergies, et plus encore, de faire naître des synergies. C’est parce qu’ils sont complémentaires qu’experts et entrepreneurs sont plus forts ensembles !
Pour autant, c’est aux entreprises de savoir accueillir ces innovations en leur sein : aujourd’hui, le rôle du manager n’est plus simplement de chercher à « gérer » ses collaborateurs, mais plutôt de créer une relation de confiance réciproque – et de tout faire pour libérer leurs énergies créatives.
Car, si la disruption vient d’ailleurs, la transformation, elle, ne peut venir… que de l’intérieur.