Durant de nombreuses années, l'intelligence artificielle a été perçue comme un danger vague, une notion encore imprécise oscillant entre rêverie et peur dystopique.
Ce qui préoccupe désormais, ce n'est plus l'IA en tant que technologie, mais son usage non réglementé, ses dérives éventuelles, et la façon dont elle modifie l'univers du travail à une cadence sans précédent.
Quelques données suffisent à évaluer l'ampleur du phénomène : 55 % des Français auraient eu recours à une IA au travail en 2024 sans en informer leur supérieur.
65 % des étudiants estiment que l'accès à ces technologies constitue un facteur décisif dans le choix de leur futur employeur.
L'IA s'est installée, tantôt discrètement, tantôt ostensiblement, mais invariablement avec un effet concret.
C'est exactement ce que le salon HR Technologies France 2025 a souligné sous un thème évocateur : « L'inattendu, c'est maintenant ! ».
Une évidence en ressort : il est impératif d'affronter cette réalité et d'en saisir les implications, car le travail, tel que nous le connaissons, est déjà en pleine mutation.
L'IA n'est pas une innovation récente.
La première évocation du terme date de la Conférence de Dartmouth de 1956. On pourrait même faire remonter cette idée aux légendes antiques, comme celui de Pygmalion et Galatée.
Depuis que l'IA est devenue une réalité informatique, elle a traversé des périodes contrastées, alternant entre phases d'avancement (printemps de l'IA) et périodes de ralentissement (hivers de l'IA). Durant cette époque, on supposait que l'IA s'attaquerait principalement aux activités routinières et répétitives.
Aujourd'hui, elle semble entrer dans une phase d'expansion ininterrompue, tel un été interminable (mais attention : Winter is Coming ?).
Et, surprise inattendue, les avancées technologiques touchent désormais des aptitudes que l'on ne jugeait pas automatisables.
C'est ainsi que l'on entend de plus en plus la célèbre phrase : « Mon Dieu, l'IA va tous nous remplacer, voler nos emplois, nos permis B et même nos bébés»
Mais comment en sommes-nous arrivés là ?
On note trois événements remarquables sur trois années successives :
Ces progrès permettent à l'IA de s'approprier des activités que l'humain ne sait pas toujours formaliser (compétences tacites).
Une recherche d'économistes d'Oxford prévoit que 47 % des emplois américains pourraient s'évanouir, car 70 % des tâches de ces professions sont potentiellement automatisables.
Les chercheurs repèrent trois domaines où l'IA rencontre des « goulots d'étranglement » :
Ainsi, les métiers les plus vulnérables semblaient être ceux du transport, de la production et de l'administration, tandis que les activités routinières devaient être automatisées pour confier à l'humain des missions à plus forte valeur ajoutée.
La conclusion en 2013 était limpide :
«L'IA prendra en charge les tâches répétitives, il faut donc se former sur la créativité et la résolution de problèmes. »
Ouf, les cols blancs paraissaient épargnés...pensait-on alors... 😏
Dix ans plus tard, l'OCDE aborde le sujet de l'IA et de son influence sur l'emploi.
Observation : Entre 2010 et 2015, l'IA progresse dans des tâches cognitives de haut niveau !
Loin de se restreindre aux tâches répétitives, l'IA réalise des progrès significatifs dans des compétences que l'on croyait réservées aux humains : Reconnaissance linguistique et traduction, jeux de stratégie, modélisation du langage, reconnaissance d'images.
Sur le plan des compétences humaines, l'IA développe alors des aptitudes surprenantes :
Il s'agit précisément des facultés cognitives humaines les plus sophistiquées !
L'étude révèle que de nombreuses interactions professionnelles classiques sont maintenant substituées par l'IA :
👉 Conséquence : Les collaborateurs gagnent en autonomie, mais l'entraide et l'intelligence collective s'amenuisent.
Ce phénomène soulève une interrogation essentielle : Si l'IA peut répondre à tout moment, pourquoi communiquer avec ses collègues ?
L'IA ne génère pas la vérité, mais une réponse vraisemblable.
Les modèles génératifs opèrent sur des probabilités, pas sur des faits vérifiés. Le risque principal ? Se satisfaire d'une réponse "suffisamment bonne", sans approfondir.
Quand on reçoit instantanément une réponse correcte sans effort, on assimile moins bien et on devient moins critique face aux informations.
L'IA peut donc fragiliser la progression en compétences des collaborateurs, particulièrement des nouveaux arrivants.
Aujourd'hui, un débutant équipé d'une IA performante peut fournir un travail comparable à celui d'un senior.
L'accès immédiat aux connaissances et aux capacités de structuration de l'IA transforme la dynamique des expertises. Cela engendre une redistribution des rôles entre novices et expérimentés.
Les managers doivent donc désormais gérer une nouvelle fracture :
1️⃣ Les jeunes ultra-efficaces avec l'IA, mais qui manquent de recul critique.
2️⃣ Les experts méfiants, qui peuvent être réticents à utiliser ces outils.
Une solution pourrait résider dans la mise en place d'un tutorat croisé :
3️⃣ Les juniors doivent apprendre à interroger et vérifier les réponses de l'IA.
4️⃣ Les experts doivent saisir comment ces outils peuvent accélérer et enrichir leur propre expertise.
C'est une véritable évolution culturelle dans les entreprises !!
L'adoption massive et spontanée de l'IA générative par les collaborateurs transforme profondément les dynamiques de travail.
📌 Premier constat : l'IA est déjà présente. Les collaborateurs ne s'interrogent plus s'ils doivent employer l'IA, ils l'utilisent déjà. L'enjeu pour les RH n'est donc pas d'en limiter l'usage, mais d'en organiser l'incorporation de manière harmonieuse et avantageuse.
📌 Deuxième constat : la relation au savoir évolue. Quand une IA peut générer des réponses instantanées, la valeur ne réside plus uniquement dans la connaissance brute, mais dans la capacité à la vérifier, l'enrichir et la contextualiser. Les entreprises doivent donc repenser l'apprentissage et la progression en compétence, notamment pour prévenir un excès de confiance des juniors et une réticence des seniors.
📌 Troisième constat : la culture du travail est en transformation. L'IA favorise l'individualisation du travail : chacun peut s'appuyer sur ces instruments pour devenir plus autonome. Mais cette autonomie peut aussi nuire à l'intelligence collective et à la dynamique collaborative. L'un des défis majeurs des RH est de sauvegarder les interactions humaines fondamentales tout en tirant parti de l'IA.