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Intelligence Artificielle et RH: que disent les d’experts ?

- Quels effets l’IA générative (GenAI) produit-elle à ce jour sur les entreprises ?
- Quels obstacles et atouts l'intégration de l'IA suscite dans les départements RH ?
- L’IA générative peut-elle devenir notre collègue voire notre manager ?

Autant de questions au cœur d’un grand rendez-vous qui a eu lieu le mardi 21 janvier 2025 au siège de la MACIF.

Cet événement majeur, intitulé « L’Intelligence Artificielle au sein des Ressources Humaines », s’est tenu grâce à la collaboration de plusieurs acteurs de premier plan : La French Tech Grand Paris, ANDRH - Association Nationale des DRH, Hub FranceIA, Club ETI Île-de-France et Microsoft.

Cette initiative met en lumière la nécessité de repenser en profondeur le rôle des RH, dans une période où chacun doit se réinventer pour répondre aux enjeux de l’IA.

L’échange entre BENOÎT SERRE, président de l’ANDRH Paris Étoile et « maître de cérémonie » de la journée, et Yann FERGUSON, sociologue et directeur du laborIA, a donné le ton d’une matinée particulièrement riche en réflexions et enseignements.

IA & RH : une révolution en marche pour nos organisations

Visuel IA et RH
Deux experts de choix pour ouvrir une matinée dédiée aux défis IA dans les RH

Dans un premier temps, Yann Ferguson souligne, en citant une étude de l’OCDE, à quel point l’IA maîtrise désormais cinq compétences cognitives clés qu’on pensait longtemps réservées à l’humain :

  • Mémoire persistante : le socle essentiel pour un raisonnement complexe
  • Vitesse de perception : repérage d’erreurs et signaux dans des volumes de données massifs
  • Ordonnancement : capacité à structurer logiquement selon des règles établies
  • Vitesse de structuration : mise en évidence rapide d’unités de sens
  • Flexibilité de structuration : aptitude à décrypter la signification cachée dans le bruit

L’étude montre aussi, à la surprise générale, que les trois fonctions les plus exposées à l’IA sont : Directeur général, Ingénieur et Manager.

Graphique OCDE
Source : OECD’s Employment Outlook 2023

Un fait marquant : le croisement est estimé à 80 % entre les compétences IA et les savoir-faire requis sur ces postes. L’intelligence artificielle progresse donc de manière inattendue sur des tâches cognitives de haut niveau, qui ne sont pas répétitives.

Les récentes sorties des modèles o1 et o3 chez openAI, sans oublier le véritable bouleversement causé par le modèle chinois DeepSeek-R1 , confirment le développement rapide de trois grandes trajectoires pour l’IA :

  • Première trajectoire : automatiser des tâches très répétitives, visant des métiers à forte routine.
  • Deuxième trajectoire : proposer des solutions à forte valeur ajoutée (ex. IA générative), largement adoptées dans le secteur professionnel.
  • Troisième trajectoire : déploiement massif par les salariés eux-mêmes (shadow IT), via des solutions financées individuellement pour booster créativité et productivité.

Par ailleurs, on observe un fort usage spontané de l’IA par les collaborateurs.

  • Environ la moitié des Français auraient déjà intégré l’IA dans leur pratique professionnelle, souvent sans l’accord explicite de l’employeur.
  • Les salariés s’équipent de ces outils pour gagner en efficacité ou en inspiration, soulevant la question de la valorisation de ce travail supplémentaire.
  • De nombreuses entreprises sont en décalage, sans politique claire d’adoption, confrontant ainsi leurs équipes à des incertitudes.

Les Ressources Humaines doivent donc faire face à plusieurs défis majeurs autour de l’intégration de l’IA : l’intensification du travail, la reconnaissance des efforts et le partage équitable de la valeur produite.

Inbound Recruiting et IA générative

En effet, si l’IA augmente la productivité, elle soulève aussi la question de la répartition des bénéfices et la manière de récompenser les initiatives individuelles.

Du côté des collaborateurs, l’IA est de plus en plus perçue comme un assistant décuplant leurs compétences plutôt qu’un simple outil d’automatisation (un phénomène que Benoît Serre compare à l’explosion des applications mobiles à la fin des années 2000).

Quel rôle les RH doivent-ils désormais assumer dans cette révolution ?

  • Les RH deviennent incontournables dans la conduite de projets IA, en formant dirigeants et collaborateurs sur ces nouveaux outils.
  • Établir un langage commun entre RH et experts techniques (DSI, data scientists) s’avère essentiel pour éviter les silos et coordonner la transformation.
  • En moyenne, un projet IA réussi repose en effet davantage sur des aspects humains (70 %) que techniques (30 %), même si l’inverse est souvent constaté actuellement.

Parmi les défis à venir, on retrouve la nécessité d’informer et de former syndicats et partenaires sociaux quant aux potentiels biais des modèles IA, une étape clé pour garantir une intégration équitable et responsable.

Les RH doivent aussi adapter leurs pratiques pour accompagner la transformation des métiers et éviter un fossé entre employeurs et employés.

Comme le résume  Benoît Serre: « Plus nous intégrons la technologie, plus l’humain devient capital. (...) L’IA nous impose un immense défi qui replace la fonction RH au cœur de sa vocation : organiser le fonctionnement collectif. Les RH sont avant tout un métier du collectif. Bien sûr, nous ferons face à des accords sociaux qui pourraient ralentir ou encourager cette transition, parce que cela réorganise les métiers, mais cela renforce finalement la valeur de la fonction RH. »

IA & RH : obstacles et opportunités pour une intégration réussie

La deuxième table ronde s’est articulée autour de cette question centrale : « Quels freins et quels leviers l’IA installe-t-elle au sein des RH ? »

Adoption de l'IA par les DRH
Quelle adoption de l’IA générative au sein des DRH ?

Au programme, des échanges entre experts de divers domaines, tous confrontés à l’intégration de l’IA dans leurs pratiques RH.

Parmi les intervenants :

Sur la question de la gouvernance et de l’adoption de l’IA, on apprend que chez L’Oréal, une task force GenAI est active depuis deux ans, articulée sur une gouvernance tripartite (RH, technologie, métiers).

Son ambition : déployer l’IA tout en veillant à renforcer l’humain plutôt que le remplacer.  Mathieu Lozac’h  a d’ailleurs insisté sur la nécessité de « cadres éthiques et responsables », tels que le module « IA de confiance », couvrant durabilité, explicabilité et supervision humaine.

Concrètement, L’Oréal a lancé plusieurs webinaires et formations permettant de multiplier par deux ou trois l’usage de ces technologies en interne !

Une plateforme centralisée de ressources évite toute dispersion d’outils, tandis qu’une veille active encourage le partage de bonnes pratiques.

Nouveau call-to-action

Maintenant, songez à un mécanicien obtenant instantanément tout l’historique d’un camion via un simple message :

C’est exactement la révolution en cours chez Petit Forestier Group.

Leurs équipes techniques (mécaniciens, frigoristes, carrossiers, etc.) interagissent avec un chatbot pour accéder aux informations dont ils ont besoin.

Adieu interfaces complexes, place à la simplicité et à la réactivité ! Au final, des collaborateurs plus autonomes et une productivité décuplée.

Chez Alan, l’innovation commence dès la phase d’onboarding, où l’IA est introduite de façon ludique (images générées par IA, par exemple) afin de familiariser rapidement chaque nouvel arrivant. Cette approche pédagogique met en avant l’esprit critique, un atout clé pour l’avenir.

Enfin, du côté d’ Albéa Group, présent à l’international avec 35 sites répartis à travers le globe et une dizaine de langues différentes, ubert CARIOU a déployé une IA générative permettant une interaction en langage naturel avec la documentation de l’entreprise.

Au cœur de ce dispositif, un chatbot intelligent capable de :

  • Comprendre les requêtes en langage courant
  • Analyser et extraire des informations utiles dans les documents internes, quelle que soit la langue
  • Fournir des réponses précises et contextualisées en temps réel

Ces quatre exemples prouvent une chose : l’IA n’est pas là pour nous supplanter, mais pour nous permettre d’exprimer le meilleur de nous-mêmes !

Elle libère notre créativité, renforce notre autonomie et génère de la valeur à tous les niveaux.

IA générative : vers un partenaire stratégique ?

Le thème de la troisième table ronde était « GenAI : de l’assistant au véritable collaborateur et futur manager ? »

Initialement annoncée sous la forme « L’IA générative peut-elle être bien plus qu’un assistant ? », cette réflexion marque un passage d’une vision prudente de l’IA comme simple assistant vers une perspective plus audacieuse, où l’on s’autorise à imaginer l’IA en tant que collègue… voire chef d’équipe !

Les intervenants de cette table ronde :

Table ronde IA
Échanges passionnants orchestrés par quatre « agents » bien humains !
 

De nombreux chercheurs en management rappellent qu’«  l’utilisateur qui traite l’IA comme un collaborateur obtient des résultats bien plus impressionnants que celui qui la cantonne à un simple outil  ».

Cette idée suscite plusieurs questionnements cruciaux pour les RH :

  • Comment intégrer ces “agents” IA au sein des équipes ?
  • Quel impact sur les relations humaines au travail ?
  • Quelles conséquences sur l’emploi ? (remplacement, redéfinition des tâches)

Pour Isabelle Lerin Basset , ces nouveaux agents conversationnels, amplifiés par l’IA, gèrent de mieux en mieux les demandes simples et répétitives, sans pour autant signer la disparition des gestionnaires administratifs. Au contraire, ils soulagent la partie « répétitive » pour que l’humain se concentre sur la valeur ajoutée et l’accompagnement.

Elle cite l’exemple d’un conseiller bancaire : l’IA enregistre les échanges téléphoniques (avec accord client) et, s’appuyant sur les données, l’agent obtient un résumé, des suggestions de produits (dont il n’aurait pas forcément eu l’idée), un rappel planifié, etc.
Chez Groupe BPCE , l’implémentation se fait via une version “containerisée” de ChatGPT, encadrée et sécurisée, et qui suscite déjà une forte adhésion. Le service RH et la DSI veillent à accompagner la prise en main, réguler les usages et valoriser le potentiel d’innovation… tout en préservant la relation client et la qualité de service bancaire.

CTA Audit LSA

Chez PageGroup (Michael Page, Page Personnel, etc.), l’IA soutient l’efficacité interne et améliore l’expérience candidat. Exemples :

  • Présélection automatique des candidatures
  • Production et optimisation des offres d’emploi
  • Accompagnement dédié pour candidats et entreprises
  • Insights prévisionnels et analyse des tendances du marché

On y observe déjà de réels gains de productivité, un renfort d’analyse (tendances, conseils sectoriels) et une amélioration de l’expérience candidat (chatbots, suivi automatisé). Toutefois, la relation humaine demeure centrale pour personnaliser le service et assurer la mise en adéquation des besoins des entreprises avec les compétences.

Francis Lelong , fondateur de SARENZA.com et figure emblématique de la French Tech, souligne que dans l’écosystème actuel, la valeur du code tend à diminuer : près de 25 % des startups parisiennes se passent déjà de développeurs, s’appuyant principalement sur l’IA pour créer et gérer leurs produits.

A contrario, la valeur des données grimpe en flèche. Les modèles “généralistes” (ChatGPT, etc.) n’incluent pas par défaut les données internes aux entreprises. Or, ces données propriétaires et contextuelles font la différence. Le pilotage, la protection et la stratégie autour de ces informations deviennent donc un enjeu crucial pour les organisations.

Les futurs agents IA nécessiteront ces datas pour fournir des réponses pertinentes et fiables.

Yann FERGUSON ajoute que l’accessibilité de l’IA générative est déconcertante d’un point de vue anthropologique, poussant les gens à “humaniser” les agents virtuels (en parlant de “collègue IA” ou “assistant virtuel”).

Cette personnification peut engendrer une confusion entre interactions humaines et systèmes automatisés.

Il souligne le risque de remplacer les échanges humains par du dialogue machine : au lieu de demander un feedback à un collègue, on s’adresse à l’IA pour corriger un texte, évaluer une idée, etc. Certes, l’IA “booste” l’efficacité individuelle, mais la performance collective peut en pâtir si l’on réduit les interactions directes et l’intelligence collective.

D’où la nécessité d’une réflexion approfondie autour des termes utilisés (notamment le concept d’« agent ») pour garder un contact humain fort et préserver l’intelligence collective dans l’organisation.

L’enjeu majeur consiste à trouver un équilibre entre « empowerment » individuel et dynamique collective, en positionnant l’IA comme un outil au service de la collaboration, plutôt que comme un substitut aux interactions humaines.

Éthique, société et environnement : quels dilemmes autour de l’IA ?


La quatrième et dernière table ronde a abordé un enjeu tout aussi essentiel : l’impact éthique, social et écologique de l’IA, un sujet hautement sensible pour les entreprises et la société en général.

Conduite par plusieurs spécialistes, cette discussion a exploré les défis et les responsabilités qui accompagnent le déploiement de l’IA dans nos organisations et dans la société.

Les intervenants :

Table ronde éthique IA
Quatre intervenants déterminés pour éclairer un sujet épineux !
  • Le premier point marquant réside dans l’impact sur les compétences et la dynamique d’équipe.

En clair, l’IA ne demande pas forcément des compétences inédites dès le départ, mais invite les salariés à se recentrer sur la valeur ajoutée (tâches expertes) et à laisser de côté les tâches routinières.

Ainsi, chez Inetum , 28 000 collaborateurs ont été formés, dont 15 000 certifiés sur l’IA. Bruno Da Sola insiste : il s’agit de doper l’efficacité et la création de valeur client, en transformant le travail en équipe.

Antoine Hennache distingue les profils techniques (développeurs, parfois peu conscients du risque d’obsolescence) et les métiers, qui tirent parti de l’IA pour s’aventurer sur de nouvelles pistes, favorisant la créativité.

  • Le deuxième point concerne le recrutement et la gestion des inégalités dans les équipes.

Les intervenants évoquent le recrutement augmenté (analyse de CV, matching IA…), tout en rappelant que si l’entraînement des algorithmes n’est pas rigoureux, des biais discriminants peuvent survenir.

Matthieu Fouquet distingue trois grandes étapes : identification, qualification et connexion des candidats. Pour lui, l’usage de l’IA au moment de la « connexion » (l’étape qui scelle l’intégration) représente un enjeu éthique et relationnel majeur, car l’humain doit y rester central.

En ce qui concerne les variations d’adoption au sein des équipes, Andrea Jacquemin cite une étude menée sur 300 000 personnes disposant d’une extension IA: seuls 25 % l’emploient souvent et, parmi eux, un « top 10 % » l’utilise jusqu’à 3 h par semaine.

Cette disparité engendre un risque de fracture entre ceux qui maîtrisent l’IA et ceux qui s’en passent, pouvant créer un écart de performance significatif au sein des équipes.

  • Troisièmement, la dimension environnementale se pose en termes d’impact.

On sait que l’IA générative est très consommatrice (énergie, eau, ressources).

Bruno Da Sola appelle à un certain pragmatisme : même si l’IA “coûte” écologiquement, elle peut simultanément réduire certains gaspillages (détection de fuites, logistique optimisée, etc.).

Mathieu Fouquet prône le recours à de « petites IA » locales, moins énergivores que les gros modèles généralistes. Plusieurs éditeurs proposent d’ailleurs des alternatives plus sobres et mieux adaptées aux spécificités métier.

  • Le quatrième défi relève de la sécurité, de la confidentialité des données et du phénomène de shadow IT.

Les entreprises doivent composer avec le RGPD, sécuriser leurs data et simultanément exploiter l’IA. Antoine Hennache rappelle que les données RH sont particulièrement sensibles, et qu’une seule fuite peut entraîner des répercussions majeures.

Sur le terrain, le shadow IT perdure : même si une organisation propose son propre outil IA, près de 6 % des collaborateurs persisteront à employer ChatGPT ou d’autres solutions grand public, parfois bloquées, simplement parce qu’ils les trouvent plus intuitives ou déjà familières.

  • Enfin, cinquième aspect : les questions éthiques.

Selon les échanges, interdire purement et simplement ne suffit pas : il faut privilégier une approche pédagogique, via l’accompagnement, la formation et la communication autour des solutions internes validées.

Un intervenant évoque un paradoxe frappant : certaines personnes partagent plus facilement des informations professionnelles confidentielles avec un géant technologique américain plutôt qu’avec leur propre entreprise, arguant que ces acteurs détiennent déjà quantité de données personnelles (utilisation de smartphones, réseaux sociaux…).

Par contraste, transmettre ces mêmes données à l’employeur suscite une méfiance accrue : on parle alors de “paradoxe de la confiance”, qui invite à questionner l’éthique et l’image de l’entreprise.

La création de chartes et de comités éthiques IA revient souvent dans la discussion : il ne s’agit pas seulement de règles techniques, mais aussi de définir la culture et les valeurs de l’organisation face aux avancées (et limites) de l’IA.

Quelques mots de conclusion

Au cours de cette journée du 21 janvier 2025, on mesure combien l’IA redessine les contours du travail, notamment pour la fonction RH.

Elle peut tout aussi bien réformer le recrutement, réinventer la relation managériale, stimuler la créativité qu’augmenter le risque de fractures numériques.

D’où la nécessité de concevoir, dès à présent, la meilleure façon d’intégrer ces technologies à l’entreprise, de respecter des impératifs éthiques et écologiques, et de mettre en lumière l’importance du facteur humain.

Ce rendez-vous s’est révélé extrêmement riche : nombreux intervenants y ont partagé leurs astuces concrètes pour former les équipes, protéger les données ou promouvoir une adoption équilibrée.

Rappelons que si l’IA est un formidable « facilitateur », son déploiement reste complexe.

Plus que jamais, la fonction RH se trouve au cœur du dispositif, alliant éclairage stratégique et préservation de l’intelligence collective, du lien social et de la place de l’humain.

Une mission d’autant plus exaltante que l’IA semble n’en être qu’aux prémices de son potentiel !

CTA Audit LSA

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Themen: Inbound Recruiting, IA