En 1998, la psychiatre Marie-France Hirigoyen publie un livre qui aura un grand retentissement dans le monde du travail : "Le Harcèlement moral : la violence perverse au quotidien".
Elle y popularise un concept décrit une décennie auparavant par Paul-Claude Racamier, la perversion narcissique, dans le contexte spécifique des relations managériales.
Les personnes décrites comme perverses narcissiques considèrent les autres comme des objets dont ils peuvent abuser au mépris des conséquences psychiques de leurs agissements (dépressions, burnout et même suicides).
Elles sont donc le plus souvent néfastes à la vie en entreprise (à la vie sociale tout court, en vérité) et doivent donc être identifiées très en amont - dès la phase de recrutement - pour leur éviter de commettre des dégâts importants, surtout si elles ont des responsabilités managériales.
Le site américain PsychCentral propose un test pour identifier les pervers narcissiques. Nous vous proposons quelques techniques pour une détection lors de l'entretien de recrutement.
Qui sont ces pervers narcissiques, ces "vampires psychiques" comme on les surnomme ? Comment les identifier pour mieux les écarter (ou pas) lors des entretiens d'embauche ?
Le recrutement d'un pervers narcissique peut avoir un impact désastreux sur l'organisation.
Qu’est-ce qu’un pervers narcissique ?
Un pervers narcissique (PN) est une personne qui ressent le besoin de dévaloriser une autre personne afin de se sentir supérieur.
On a tous en tête, j'imagine, quelqu'un qui présente ce profil, n'est-ce-pas ? Sinon, représentez-vous Donald Trump, qui est presque une caricature de ce type de personnalité.
Sa victime est souvent en situation de faiblesse émotionnelle qui a besoin d’être rassurée ou valorisée.
Le PN va utiliser la manipulation pour rabaisser, manipuler, mentir à son interlocuteur afin de se mettre en avant.
Un PN peut être caractérisé par plusieurs traits :
- sa jalousie maladive et sa possessivité
- ses mensonges à répétition
- son incapacité à reconnaître ses torts ou la responsabilité de ses actions
- sa communication floue
- son besoin de reconnaissance sans limite
- sa lâcheté face à des personnalités fortes ou quand il est démasqué
Il est important de s’éloigner de ces individus, car la personne qui subit les actions d’un pervers narcissique est, en permanence, dévalorisée, se sent coupable, perd confiance en elle.
Elle ne se sent plus elle-même, doit toujours être sur ses gardes pour ne pas dire quelque chose qui pourrait déplaire au pervers narcissique sous peine d’être la cible de nombreuses critiques.
Entretenir une relation avec un pervers narcissique fait perdre la confiance que l’on a en soi-même et peut être très toxique puisque le pervers narcissique ne ressent pas d’empathie, ni de culpabilité à l’égard de la personne qu’il dévalorise.
Sachant cela, souhaiteriez-vous embaucher une personne présentant un tel profil ? La réponse n'est peut-être pas aussi évidente qu'on pourrait l'imaginer.
En effet, ces profils sont décriés en Europe mais appréciés outre-Atlantique comme le montre cette étude canadienne. La raison ?
« L’entretien d’embauche, est l’une des rares situations sociales où l’attitude narcissique et la vantardise créent une impression positive. » (professeur Del Paulhus, auteur de l'étude)
A vous de voir, donc, si vous voulez identifier les pervers narcissique pour les écarter de votre processus de recrutement... ou au contraire pour les embaucher !
Comment se comporte-t-il durant l’entretien de recrutement ?
En entretien, un pervers narcissique est très souvent un "bon candidat" car il semble sûr de lui. Il séduit avec son côté charmeur et flatteur, et il prend de la place pendant l’échange. Il sait maintenir le contact visuel, blaguer et poser des questions pertinentes sur l'offre d'emploi.
Mais il ne faut pas se fier aux apparences !
Comment repérer un pervers narcissique pendant un recrutement ?
Un pervers narcissique occupe l'espace pendant l’entretien, lui arrivant même de couper la parole au recruteur. Il se met en position de supériorité pour brouiller les esprits.
Son objectif est d’embrouiller les esprits du recruteur pour qu’il soit déstabilisé et qu’il oublie de poser certaines questions qui pourraient le piéger.
Voici 6 exemples de techniques de manipulation ou caractéristiques du PN lors d'un entretien de recrutement.
- Le mensonge à outrance
Certes, beaucoup de candidats mentent lors d'un entretien, il n'y a rien d'étonnant à cela. Mais un PN peut aller vraiment loin dans ses élucubrations imaginaires.
Pour le déjouer, indiquez-lui que plusieurs éléments de son discours pourront ultérieurement faire l'objet d'une vérification. Si vous observez que son attitude se durcit à l'évocation de cette éventualité ou si ses réponses sont floues ou ambiguës, c'est peut-être le signe que vous êtes face à un PN.
- La flatterie
Dans un recrutement, le PN peut recourir au léchage de bottes en règle dans le but de diminuer la vigilance de son interlocuteur. Hélas, plusieurs expériences de psychologie (notamment celles de John Steiner) montrent que ce procédé grossier fonctionne étonnamment bien.
Pour le déjouer, abstenez-vous de toute réaction lorsque vous entendez ces flagorneries, et concluez par un "La flatterie n'a pas sa place lors d'un entretien" d'un ton sec. Cela devrait rapidement conduire le PN a changer de stratégie.
- Des réponses trop convenues
Le pervers narcissique est un bon manipulateur qui arrive toujours à exprimer ce que le recruteur voudrait entendre. Là encore, cela peut apparaître comme une attitude normale d'un candidat qui souhaite plaire à son interlocuteur. Néanmoins, si les réponses sont trop parfaites, cousues de fil blanc, sans la moindre aspérité, alors c'est un signe de vigilance.
Pour le déjouer quand vous avez un doute, vous pouvez bluffer en faisant par exemple une grimace lorsqu'il évoque un point fort de son argumentaire. En percevant votre réaction, il devrait être pris de court et se perdre dans son beau storytelling. Il est alors à découvert.
- L'absence d'humilité
Certains recruteurs peuvent confondre le manque d'humilité et la confiance en soi. Ce sont pourtant deux choses différentes. On peut par exemple avoir confiance en soi et expliquer pourquoi une expérience professionnelle ne s'est pas bien passée. Le PN, bouffi d'orgueil, accusera toujours les autres et ne se remettra jamais en question.
Pour le déjouer, demandez-lui de vous décrire un échec marquant dans sa vie professionnelle, lié à une erreur qu'il aurait commise. S'il en est incapable ou s'il justifie systématiquement son erreur en faisant porter le chapeau à d'autres, c'est peut-être que vous êtes face à un PN.
- L'absence d'humanité
Un pervers narcissique ne ressent pas d’empathie pour les autres puisqu’il est prêt à les dévaloriser pour affirmer sa supériorité.
Pour le déjouer, posez-lui des questions sur son humanité. Par exemple, comment s’assure-t-il du bien-être au travail de ses collaborateurs ? En le questionnant sur son humanité, vous pourrez voir s’il s'agit d'une personne empathique et soucieuse du bien-être des autres ou pas.
Notez que certains pervers narcissiques sont particulièrement bien entraînés pour réussir des entretiens, ce qui explique en partie pourquoi on en retrouve autant à des postes à responsabilités (un comble quand on connait leur pouvoir de nuisance !).
Dès lors, il peut être nécessaire de lui faire passer différents entretiens. Comme il va dire ce que la personne en face de lui veut entendre, il est possible que ses réponses à une même question soient différentes, voire parfois contradictoires.
Le profil d’un pervers narcissique semble intéressant de prime abord, mais méfiez-vous, car ce type de profil peut détruire des organisations dues aux conséquences de son comportement sur ses coéquipiers.